Contrats publics
Application de l’avis du 15 septembre du Conseil d’Etat en matière de révision et de modification du contrat.
Dans la situation économique actuelle, le Conseil d’Etat a été précédemment saisi pour avis de la question de l’application des dispositions du code de la commande publique relatives aux modifications du contrat et de la théorie de l’imprévision. Cette circulaire expose en conséquence les solutions envisagées par l’Etat pour faire face aux difficultés d’exécution des contrats de la commande publique dans le respect des prescriptions proposées par le Conseil d’Etat dans son avis du 15 septembre dernier.
On y retrouve notamment :
/ l’obligation de prévoir des prix révisables pour de nombreux marchés publics ;
/ la possibilité de procéder à des modifications des seules clauses financières des contrats pour compenser les conséquences des hausses imprévisibles de certains coûts d’approvisionnement des entreprises prestataires ;
/ le droit du cocontractant à être indemnisé sur le fondement de la théorie de l’imprévision ;
/ la possibilité de résilier le contrat à l’amiable faute d’accord sur les conditions de poursuite du contrat ;
/ le gel des pénalités contractuelles dans l’exécution des contrats de la commande publique ;
/ l’application de l’article 1195 du code civil pour les contrats de la commande publique de droit privé.
Compatibilité de la commande publique avec le droit du travail.
CE, 10 oct. 2022, Société Action développement loisir, n°455691, Rec. T.
Il résulte de l’article L. 2261-15 du code du travail que les stipulations d’une convention de branche ou d’un accord professionnel ou interprofessionnel rendues obligatoires par arrêté ministériel s’imposent aux candidats à l’octroi d’une délégation de service public lorsqu’ils entrent dans le champ d’application de cette convention. Par suite, une offre finale mentionnant une convention collective inapplicable ou méconnaissant la convention applicable ne saurait être retenue par l’autorité concédante et doit être écartée comme irrégulière par celle-ci.
En l’espèce, le Conseil d’Etat a considéré que la cour administrative d’appel de Nantes n’avait pas commis d’erreur de droit, ni dénaturé les faits de l’espèce, en considérant que le texte s’appliquant à l’attributaire de la délégation de service public en litige était la convention collective nationale du sport, étendue dans son champ d’application par un arrêté du ministre du travail du 21 novembre 2006.
Le Conseil d’Etat précise par ailleurs, dans la continuité de sa jurisprudence Fédération sud santé sociaux (Conseil d’État, Sect., 23 mars 2012, n°331805, Rec.), qu’en cas de contestation sérieuse s’élevant sur la détermination de la convention ou l’accord collectif de travail applicable à l’entreprise candidate, il appartient au juge saisi de ce litige de surseoir à statuer jusqu’à ce que l’autorité judiciaire se soit prononcée sur la question préjudicielle que présente à juger cette contestation, sauf s’il apparaît manifestement, au vu d’une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal.
Urbanisme et environnement
Conditions d’application de l’interdiction de principe des nouvelles surfaces commerciales engendrant une artificialisation des sols posée à l’article L. 752-6 du code de commerce.
Publié au journal officiel le 14 octobre, ce décret d’application de la loi Climat et Résilience apporte des clarifications attendues sur les conditions d’application de l’interdiction de principe des nouvelles surfaces commerciales engendrant une artificialisation des sols posée à l’article L. 752-6 du code de commerce.
Cet article s’est vu ajouter par la Loi Climat un V. posant le principe d’une interdiction de délivrance des AEC qui engendreraient une artificiellement des sols, tout en prévoyant des dérogations :
« V.- L’autorisation d’exploitation commerciale ne peut être délivrée pour une implantation ou une extension qui engendrerait une artificialisation des sols, au sens du neuvième alinéa de l’article L. 101-2-1 du code de l’urbanisme.
Toutefois, une autorisation d’exploitation commerciale peut être délivrée si le pétitionnaire démontre, à l’appui de l’analyse d’impact mentionnée au III du présent article, que son projet s’insère en continuité avec les espaces urbanisés dans un secteur au type d’urbanisation adéquat, qu’il répond aux besoins du territoire et qu’il obéit à l’un des critères suivants :
1° L’insertion de ce projet, tel que défini à l’article L. 752-1, dans le secteur d’intervention d’une opération de revitalisation de territoire ou dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ;
2° L’insertion du projet dans une opération d’aménagement au sein d’un espace déjà urbanisé, afin de favoriser notamment la mixité fonctionnelle du secteur concerné ;
3° La compensation par la transformation d’un sol artificialisé en sol non artificialisé, au sens de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 101-2-1 du code de l’urbanisme ;
4° L’insertion au sein d’un secteur d’implantation périphérique ou d’une centralité urbaine identifiés dans le document d’orientation et d’objectifs du schéma de cohérence territoriale entré en vigueur avant la publication de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ou au sein d’une zone d’activité commerciale délimitée dans le règlement du plan local d’urbanisme intercommunal entré en vigueur avant la publication de la même loi ».
Le décret n° 2022-1312 du 13 octobre 2022 vient définir les éléments du dossier à produire pour justifier que le projet remplit les conditions lui permettant de bénéficier d’une des dérogations de l’article L.752-6 V.
D’abord, le décret (article 1) vient préciser les contours de la notion de « projet engendrant une artificialisation des sols » : est caractérisé comme tel un projet « dont la réalisation engendre sur la ou les parcelles cadastrales sur lesquelles il prend place, une augmentation des superficies des terrains artificialisés, au sens de l’article L. 101-2-1 alinéa 9 du code de l’urbanisme, par rapport à l’état de ces mêmes parcelles à la date du 23 aout 2021 ».
Dans un second temps (article 2), le décret ajoute un 4° à l’article R. 752-6 énumérant les éléments d’information et de justification à produire lorsque le projet emporte une artificialisation du sol, pour l’instruire au titre de l’article L.752-6 V. du Code de commerce :
« a) La justification de l’insertion du projet dans l’urbanisation environnante, notamment par l’amélioration de la mixité fonctionnelle du secteur, et de sa conformité avec les règles d’urbanisme en vigueur, ainsi que la justification de l’absence d’alternative à la consommation d’espace naturel, agricole ou forestier. Une carte du projet ou un plan est fourni à l’appui de cette justification ;
b) Une description de la contribution du projet aux besoins du territoire, en s’appuyant notamment sur l’évolution démographique de ce dernier, le taux de vacance commerciale et l’offre de mètres carrés commerciaux déjà existants dans la zone de chalandise du projet ;
c) De manière alternative :
– soit la justification de l’insertion du projet dans un secteur d’intervention d’une opération de revitalisation de territoire définie au I de l’article L. 303-2 du code de la construction et de l’habitation ou dans un quartier prioritaire de la politique de la ville. Une carte du projet ou un plan est fourni à l’appui de cette justification ;
– soit la justification de l’insertion du projet dans une opération d’aménagement telle que définie à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme au sein d’un espace déjà urbanisé. Une carte du projet ou un plan est fourni à l’appui à cette justification ;
– soit la justification que les mesures présentées permettent de compenser les atteintes prévues ou prévisibles, directes ou indirectes, occasionnées par la réalisation du projet, en transformant un sol artificialisé en sol non artificialisé, au sens de l’article L. 101-2-1 du code de l’urbanisme, afin de restaurer de manière équivalente ou d’améliorer les fonctions écologiques et agronomiques altérées par le projet ».
L’équivalence est appréciée en termes qualitatifs et quantitatifs. Les gains obtenus par la compensation doivent être au moins égaux aux pertes occasionnées par le projet.
Les mesures de compensation sont mises en œuvre, en plus de ce qui peut être fait à proximité immédiate du projet, en priorité au sein des zones de renaturation préférentielles lorsque de telles zones sont identifiées en application du 4° du I de l’article L. 151-7 du code de l’urbanisme ou bien du 3° de l’article L. 141-10 du même code et que les mesures s’inscrivent dans les orientations d’aménagement et de programmation ;
– soit la justification de l’insertion du projet au sein d’un secteur d’implantation périphérique ou d’une centralité urbaine, identifiés dans le document d’orientation et d’objectifs du schéma de cohérence territoriale, ou au sein d’une zone d’activité commerciale délimitée dans le règlement du plan local d’urbanisme intercommunal, entrés en vigueur avant le 23 août 2021.
Une carte du projet ou un plan est fourni à l’appui de cette justification.
L’analyse d’impact précise, pour chaque information, ses sources, sauf carence justifiée, et, pour chaque calcul, sa méthode ».
Articulation article R.111-27 du Code de l’urbanisme et périmètre de protection au titre des abords des monuments historiques (pas d’exclusion de la norme d’urbanisme en cas de covisibilité)
CE, 22 septembre 2022, Ministre de la transition écologique, n°455658 :
Dans un arrêt n°455658 du 22 septembre 2022, le Conseil d’Etat a considéré que le préfet peut tenir compte de la covisibilité du projet avec des bâtiments remarquables pour refuser de délivrer une autorisation d’exploiter un parc éolien sur le fondement de l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme.
Cette jurisprudence vient clarifier l’articulation entre les dispositions du code du patrimoine et celles du code de l’urbanisme et censure l’interprétation de la Cour administrative d’appel de Lyon qui avait considéré que le critère de covisibilité « ne pouvait être utilement invoqué pour caractériser une atteinte contraire à l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme» et refusait par la même de « prolonger» la servitude d’utilité publique découlant du périmètre de protection des monuments remarquables.
Le critère de covisibilité d’un projet de parc éolien avec des monuments historiques peut être pris en compte pour caractériser une atteinte qui serait contraire à l’article R. 111-27, sans préjudice du fait que le parc projeté soit implanté en dehors du périmètre de protection au titre des abords des monuments historiques.
Neutralisation de l’illégalité initiale d’un permis de construire par un permis modificatif en cas d’évolution des circonstances de fait.
CE, 10 octobre 2022, Société Territoire Soixante-Deux, n°451530 :
Le Conseil d’Etat admet une nouvelle hypothèse de régularisation d’un permis de construire illégale par la délivrance d’un permis de construire modificatif.
Il affirme, en effet, que si une autorisation d’urbanisme a été délivrée en méconnaissance des dispositions relatives à l’utilisation des sols, l’illégalité qui en résulte peut, certes, être régularisée par une autorisation modificative si la règle relative à l’utilisation du sol qui était méconnue par l’autorisation initiale a été entretemps modifiée (CE, 8 mars 2018, Mme A…, req., n° 404079), mais également dans le cas où cette règle ne peut plus être regardée comme méconnue par l’effet d’un changement des circonstances des faits de l’espèce. En l’espèce, le projet litigieux consistait en un aménagement de parcelles localisées sur une friche industrielle, aux abords immédiats d’une usine. Le permis initial avait été délivré le 29 août 2011 en méconnaissance des dispositions de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme en vertu duquel « l’extension de l’urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants ». Cette circonstance n’était plus factuellement valable à la date de délivrance du permis modificatif le 2 juillet 2018, contrairement à ce qu’avait jugé la cour administrative d’appel de Douai dont l’arrêt est annulé.